Soudan : Port-Soudan frappée pour la première fois, la guerre franchit un nouveau cap

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La guerre dévastatrice qui oppose depuis plus d’un an l’armée soudanaise aux Forces de soutien rapide (FSR) a franchi un seuil symbolique et stratégique. Pour la première fois depuis le début du conflit, la ville côtière de Port-Soudan, bastion de l’armée et principal refuge administratif du pays, a été la cible d’une attaque de drones menée par les paramilitaires dirigés par Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemetti.

« L’ennemi a ciblé ce matin la base aérienne d’Osman Digna avec des drones explosifs, un entrepôt de marchandises et certaines installations civiles dans la ville de Port-Soudan », a annoncé le général Nabil Abdullah, porte-parole de l’armée, dans un communiqué. Si l’attaque n’a pas fait de victimes, elle a toutefois provoqué une suspension immédiate des vols à destination et en provenance de la ville, a confirmé un responsable de l’aéroport.

Jusqu’ici relativement préservée des affrontements, Port-Soudan, située à plus de 600 kilomètres à l’est de Khartoum, accueille aujourd’hui plusieurs agences des Nations unies ainsi qu’une importante population déplacée. L’attaque constitue un tournant dans le conflit, tant sur le plan symbolique que militaire, soulignant la capacité des FSR à frapper loin de leurs zones de contrôle.

Au début de la guerre, en avril 2023, les FSR avaient chassé l’armée de Khartoum. Cette dernière s’était repliée vers l’est, établissant le siège du gouvernement à Port-Soudan, sur les rives de la mer Rouge. Fin mars 2025, elle a repris le contrôle de la capitale soudanaise.

Un témoin oculaire présent à l’aéroport a rapporté : « Nous étions en route vers l’avion lorsque nous avons été évacués très rapidement. » Le correspondant de l’AFP, lui, a observé une « épaisse colonne de fumée noire » s’élever au-dessus du site.

Sur le terrain, la répartition du pouvoir reste fragmentée. L’armée contrôle le Centre, l’Est et le Nord du pays, tandis que les FSR dominent la majeure partie du Darfour et certaines zones méridionales. Le conflit a déjà causé des dizaines de milliers de morts et entraîné le déplacement de près de 13 millions de personnes, faisant du Soudan, selon l’ONU, « la pire catastrophe humanitaire au monde ».

Port-Soudan se trouvait, jusqu’alors, loin des zones d’opérations connues des FSR, notamment situées dans le sud d’Omdourman. Dépourvues d’aviation, les troupes de Hemetti s’appuient désormais sur des drones, artisanaux ou sophistiqués, que le gouvernement soudanais accuse les Émirats arabes unis de fournir – ce que ces derniers démentent, malgré plusieurs rapports d’experts internationaux.

Ce n’est pas la première fois que les FSR ciblent des infrastructures stratégiques. En avril, une attaque sur des installations électriques à Atbara a plongé le pays dans l’obscurité. Port-Soudan, quant à elle, est privée d’électricité depuis plus d’une semaine.

Selon un ancien général soudanais, ces frappes répétées visent à montrer que « nulle part n’est à l’abri » et à perturber durablement l’activité économique et diplomatique du pays. Il explique : « Les FSR cherchent à dissuader les compagnies aériennes étrangères et à prouver qu’elles peuvent frapper n’importe quelle région du Soudan. »

Alors que le conflit entame sa troisième année sans perspective de résolution, la fragilisation de Port-Soudan augure une intensification des combats, y compris dans les zones jusque-là perçues comme des sanctuaires.

Séverin Konan

Ovajabmedia.com

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